Ayant besoin de cordes pour ma guitare, l’une d’elles m’ayant lâchée deux jours plus tôt alors que je j’étais sur scène au piano bar où je travaillais, je me rendis au magasin de musique. Sachant la situation tendue entre Kyllian et moi, j’aurais bien changé mes habitudes pour aller me ravitailler dans un autre magasin, seulement c’est lui qui avait les prix les moins chers, et vu mes moyens financiers limités, mieux valait que je fasse attention à mes dépenses. Arrivant devant la boutique, je vis cependant qu’elle était fermée, ce qui n’était pas normal. Elle était toujours ouverte le lundi d’habitude. Pas de message sur la porte pour signaler un inventaire, où des vacances, ni quand la boutique rouvrirait ses portes… Il devait y avoir un problème.
Ne pouvant m’empêcher de m’inquiéter, je pris la direction de chez Kyllian. La situation était tendue, mais tant pis, au moins je serais rassurée. J’arrivais donc à son immeuble et montait à son étage. Après un bref moment d’hésitation, je frappais à la porte d’entrée de son appartement.

Je n‘attendis guère longtemps devant la porte avant que Kyllian ne vienne m‘ouvrir. Il semblait surprit de me voir, et également soucieux et pressé, comme sur le point de partir - ce qui m‘inquiéta. Le bon point, c‘est qu‘il ne m‘envoya pas balader comme il l‘avait fait à l‘anniversaire de son fils, Lucas, quand j‘avais essayé de m‘excuser. Nous ne nous étions pas reparlé depuis l‘anniversaire et donc j’avais un peu crains sa réaction en me voyant sur le pas de la porte. Il me demanda ce que je faisais là, ce à quoi je répondis : « La boutique de musique était fermée et… Comme tu es toujours ouvert le lundi je me suis demandée si t’avais un problème. Donc je suis venue aux nouvelles… » Expliquai-je, mal à l‘aise à cause de notre relation assez tendue en ce moment.

L’explication de Kyllian quand à la fermeture de sa boutique ne me convenait pas. Et pour cause : étant moi-même une professionnelle des excuses bidons, je savais reconnaitre un mensonge lorsqu’on m’en sortait un. Rien qu’à sa tête, il était évident que quelque chose le tracassait. Il avait attrapé un sac à dos avant de me répondre, ce qui confirmait mon impression comme quoi il était sur le point de partir. Il semblait tendu, et plus qu’inquiet, ce qui ne me rassura pas. « Me prends pas pour une idiote Kyllian. Répondis-je calmement. Ce n’était pas le moment de faire ma mauvaise tête. J’avais beau ne pas le connaitre depuis longtemps, je savais que la personne à qui il tenait le plus au monde était son fils, et que si il lui arrivait quoi que ce soit, il serait totalement détruit. Le voir aussi inquiet m’inquiéta donc moi aussi. Était-il arrivé quelque chose à Lucas ? « Est-ce que Lucas va bien, Kyllian ? » Demandai-je finalement. J’adorais ce petit bonhomme, et espérais vraiment que ma déduction était fausse. C’était un petit bonhomme génial, vraiment adorable, et j’avais l’impression que lui aussi m’aimait bien, il ne m’avait pas lâchée de l’après midi le jour de son anniversaire.

Kyllian avait eu l’air d’hésiter un instant avant de m’avouer ce qu’il se passait. Vu la situation entre nous deux ces derniers temps, je ne pouvais pas lui en vouloir. Il y avait surement des gens à qui il avait plus envie de parler qu’à moi, surtout ces jours ci. Mais il fini par m’avouer ce qui se passait, et sur le coup, je restai sur le cul. Lucas, à l’hôpital… Je le regardais en silence un moment, ne sachant pas trop comment réagir. Vu la tête de Kyllian, je ne lui demandai pas si c’était grave. L’expression de son visage en disait assez long, et le voyant avec un sac, je supposais qu’il apportait des vêtements et autres choses dont Kyllian pourrait avoir besoin. Ce qui veut dire que ce petit bonhomme allait devoir y rester. « Que… Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qu’il a ? » Demandai-je, inquiète. J’avais rencontré Lucas il y a peu de temps, mais je m’étais beaucoup rapprochée de ce petit garçon. Il avait dit à Kyllian qu’il voulait que je sois son amoureuse, ce qui m’avait fait beaucoup rire. C’était une vraie bille de clown, mais il était tellement adorable que tout le monde fondait littéralement en le voyant, moi y compris. Restait juste à espérer que ce qu’il avait n’était pas trop grave…

J’avais bien fais de venir, et de m’inquiéter. Il y avait bien une raison pour que le magasin de musique soit fermé et même si la situation n’était pas au beau fixe entre Kyllian et moi, j’aimais autant le savoir, car malgré tout ça, je tenais à lui, et à Lucas bien entendu. Et traverser un moment comme ça tout seul, ça ne devait pas être facile. Au moins je serais là pour lui donner un coup de main si il avait besoin de quoi que ce soit. Le pauvre Lucas… il ne méritait pas ça. Et Kyllian non plus. Kyllian m’expliqua ce que Lucas avait, et ça semblait sérieux. C’était injuste. Après un instant de silence, tentant de digérer l’information, je fini par dire : « Si vous avez besoin de quoi que ce soit… Je suis là… » Je voulais pouvoir être là pour les aider, et les soutenir durant cette situation difficile. « Je peux venir le voir avec toi ? » Demandai-je. Peut être cela ferait-il plaisir à Lucas de me voir. Il m’aimait bien et le pauvre petit bonhomme devait déjà en avoir marre de l’hôpital qui n‘était pas, il faut le dire, un endroit où l‘on aimait généralement passer du temps, bien que ce soit l’endroit le plus adapté pour lui en ce moment.

Lorsque je lui demandai si je pouvais venir avec lui voir Lucas, Kaeden acquiesça d’un signe de tête. Si nous n’étions pas capables de mettre nos différents de côté, alors je crois que nous n’y arriverions jamais. Je descendis au bas de son immeuble avec lui, et il me dit que cela ferait plaisir à Lucas de me voir. Je l’espérais. Un peu de visite lui changerait peut être les idées, l’hôpital n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus joyeux au monde, et un peu de visite ne faisait jamais de mal dans ce genre de situations. Alors que nous arrivions à sa voiture, Kyllian me dit que Lucas m’adorait. J’avais cru remarquer ça, oui, quelques jours plus tôt, le jour où Kyllian lui avait organisé une fête d’anniversaire, il ne m’avait quasiment pas lâchée de l’après midi. Il avait même dit à Kyllian qu’il voulait que je sois son amoureuse. C’est tellement adorable à cet âge là. Enfin, pas tous, certains enfants de cet âge son de vraies terreurs, j’en savais quelque chose car j’en avais été une. Mais trêve de blabla, on s’en fiche de moi. « Je l’adore aussi. » Répondis-je avec un petit sourire tout en montant dans la voiture de Kyllian, avant de poursuivre : « Il est génial, t’as un petit garçon génial. » Après un moment de silence et d’hésitation, j’ajoutai finalement « L’autre jour, à son anniversaire il m’a demandé si j’étais... Sa maman… »

Ca ne devait pas être drôle tous les jours pour Lucas de ne pas avoir sa mère, et de ne pas la connaitre. Je savais ce que c’était, ayant moi-même grandi seule dans un orphelinat. Enfin, seule c’était un bien grand mot, je n’avais jamais été seule au sens propre du terme, j’avais eu de la compagnie. Mais je n’avais pas eu de famille. Et je m’étais toujours posé beaucoup de questions, alors je comprenais que Lucas puisse s’en poser lui aussi. C’était vraiment injuste, cependant, que les autres enfants se moquent de lui à l’école pour cette raison. Ce n’était en rien sa faute si sa mère n’était pas là aujourd’hui. Les gosses peuvent se montrer très cruels entre eux. « C’est normal qu’il se pose des questions… Mais les gosses sont méchants entre eux, c’est pas normal que le personnel de l’école laisse faire. C’est pas sa faute. Et au moins, il t’a toi. ». Répondis-je, regardant la route qui défilait sous mes yeux alors que Kyllian prenait la direction de l’hôpital.